Après avoir bien regardé l'affiche de l'hôtel de Bill, deux drôles d'Indiens me regardent d'une façon peu rassurante. Celui de gauche, un grand gaillard aux yeux louches, me demande le plus normalement du monde:
- Hey, show me your passport!
Heu....je suis tout sauf rassuré par cette phrase la. Je lui répond pas et je prend à ma gauche dans ce qui semble la rue la plus large et éclairée que je vois (2 lumières au 50 mètres...). Et la, le bal commence. Un Indien, deux Indiens, trois Indiens me demandent tous en coeur les yeux plein d'espoir et de roupies:
- You want a room for tonight? Come to see my place! Great place! Cheap! Come on, follow me (Avec l'accent de Apu dans les Simpsons)
L'intense: Is it far from here?
- No no, don't worry about it, come with me.
J'ai pas vraiment le choix, j'en choisi un au hasard et je le suis.
Quelques mètres plus loin, me voilà en face d'un trou à rat qui me semble tout sauf sécuritaire. Ça coûte 450 Rs (environ 10$ canadien), mais je veux pas dormir là, je vois mal comment je pourrais fermer l'oeil. Goodbye Indian #1, je retourne dans la rue pour voir si un de tes semblables a mieux à offrir.
De retour dans la rue, je commence déjà à me demander où est l'hôtel de Bill. La sueur imprègne mes tempes avec et mon taux d'adrénaline frôle la zone rouge. Je refais le manège encore une ou deux fois pour voir si l'Inde à mieux à m'offrir. Pas ce soir, ça a l'air.
C'est à ce moment que je trouve mon petit coin de paradis. J'entre dans l'hôtel qui s'avèrera mon doux nid de roses pour ce soir. Au comptoir de la réception, quelques Indiens s'affairent à dormir sur le sol. Une odeur de vômi m'empli les narines et s'y incruste pour un bon moment. Je monte à l'étage en enjambant les 2 ou 3 Indiens qui dorment dans les escaliers entre les niveaux.
On me montre ma chambre. Couvre lit taché (c'est assez commun en Inde ça), mais la toilette est propre et il ne semble pas y avoir le moindre signe de vie douteux dans la crasse des lieux. La porte a l'air solide, je peux y installer mon cadena et c'est franchement tout ce qui m'importe en ce moment. 400 Rs le prix de la chambre. Bon d'accord, j'ai plus le goût de chercher.
Je retrouve par miracle l'hôtel de Bill, je prend mon backpack et je retourne à mon petit coin de paradis. J'ai rendez-vous avec Bill le lendemain matin pour le petit déjeuner. J'écris un peu dans mon journal pour soulager la tension, je finis par fermer l'oeil à moitié pour un gros 3 heures. De toute façon, à ce moment là, j'ai pas besoin de sommeil ni de nourriture, je suis Lestat l'aventurier et je me nourris d'aventures...et d'une bouteille d'eau payée 8 fois le prix!
Le lendemain, de retour à l'hôtel de Bill et Debby, je prend le petit déjeuner. Eux s'en vont au Rajasthan, dans l' extrème ouest du pays, et moi à Dharamshala, au nord. Nos chemins se séparent. J'ai pas le goût de les voir partir, ce sont mes nouveaux parents, mon nouveau port d'attache en ces mers inconnues. Mais je n'ai pas le choix, je suis venu seul en Inde et dans la solitude se déroulera une bonne partie de mon chemin.
- India's gonna blow your mind Jeff, me dit Bill
Je sort de l'hôtel, un peu ébranlé, je les aimais déjà mes Américains.
Et je me lance dans cette rue bondée de taxis rickshaw, de vaches, de yogis, de charettes, de misère et de bonheur.
Je me lance dans le vide, rempli d'espoir...